Sacha Guitry a très tôt réalisé des films même s’il y fut assez hostile avant de découvrir la puissance du cinéma parlant. Mais il a été très critiqué par les critiques qui n'y voyaient, avec mépris et aveuglement, que du "théâtre filmé". Autrement dit, pour eux, c'était cinématographiquement médiocre. Sacha Guitry se contentant, disaient-ils, de filmer ses pièces. La réhabilitation de Sacha Guitry en tant que cinéaste est due principalement au cinéaste-critique François Truffaud. Quoi que Sacha Guitry sut très bien se défendre en écrivant « si ceux qui disent du mal de moi savaient exactement ce que je pense d'eux, ils en diraient bien davantage ».
Voici la liste des films que Sacha Guitry a écrit et réalisé:
CEUX DE CHEZ NOUS (1915)
PASTEUR (1935)
BONNE CHANCE (1935)
LE NOUVEAU TESTAMENT (1936)
LE ROMAN D'UN TRICHEUR (1936)
MON PÈRE AVAIT RAISON (1936)
FAISONS UN RÊVE (1936)
LE MOT DE CAMBRONNE (1937)
DÉSIRÉ (1937)
LES PERLES DE LA COURONNE (1937)
QUADRILLE (1938)
REMONTONS LES CHAMPS-ELYSÉES (1938)
ILS ÉTAIENT NEUF CÉLIBATAIRES (1939)
LE DESTIN FABULEUX DE DÉSIRÉE CLARY (1942)
DONNE-MOI TES YEUX (1943)
LA MALIBRAN (1944)
LE COMÉDIEN (1947)
LE DIABLE BOITEUX (1948)
AUX DEUX COLOMBES (1949)
TÔA (1949)
TU M'AS SAUVÉ LA VIE (1950)
LE TRÉSOR DE CANTENAC (1950)
DEBUREAU (1951)
ADHÉMAR OU LE JOUET DE LA FATALITÉ (1951)
LA POISON (1951)
JE L'AI ÉTÉ TROIS FOIS (1952)
LA VIE D'UN HONNÊTE HOMME (1953)
SI VERSAILLES M'ÉTAIT CONTÉ... (1953)
NAPOLÉON (1954)
SI PARIS NOUS ÉTAIT CONTÉ (1955)
ASSASSINS ET VOLEURS (1956)
LES TROIS FONT LA PAIRE (1957)
LE ROMAN D'UN TRICHEUR
"Le héros du "Roman d'un tricheur" commence par voler six sous dans l'épicerie familiale. A cause de ce vol, il est privé de champignons. A cause de ces champignons, il devient orphelin. Placé chez un oncle et une tante qui n'aspirent qu'à le dépouiller de son héritage, l'orphelin est amené à s'enfuir et il devient groom dans un hôtel, puis croupier à Monaco. Son goût pour les femmes, son attraction pour la richesse, son absence de scrupules feront de lui un joueur, un tricheur joyeux, un homme sinon constamment heureux, en tout cas indépendant, autonome et vaillant." François Truffaud, "Le cinéma et moi", Ramsay.
En 1936, Sacha Guitry décide d'adapter son livre "Mémoires d'un tricheur" et juge plutôt préférable d'en faire un film qu'une pièce. Il dit lui-même : "Au théâtre, on joue. Au cinéma on a joué." Et on comprend mieux son choix sachant que le film est une succession de scènes dans lesquelles Sacha Guitry explique, commente et raconte tout, laissant les autres personnages muets. Il est vrai que l'on a l'impression de voir un film tourné avant l'avènement du cinéma parlant dont le réalisateur aurait décidé après coup d'en donner une version parlante. Cela se ressent dans le jeu des comédiens, la mise en scène et le rythme rapide de l'ensemble. Les trouvailles techniques suscitèrent d'ailleurs l'admiration de Joseph Mankiewicz et d'Orson Welles.
N'ayant nul autre limite que celle de son brillant esprit, Sacha Guitry présente un jubilatoire divertissement ultra sophistiqué dans sa forme cinématographique. Seul, il peut jongler avec ses mots, ses images, son apparence, l'argent, la moralité et multiplier les paradoxes sur la malhonnêteté. La griffe de l'auteur est présente à chaque plan et partout transpire son ironie, son scepticisme et sa nonchalance. Sacha Guitry succombe à un amoralisme jubilatoire et à une malicieuse perversion. Bercé par son incomparable voix, Sacha Guitry touche au but et nous sommes tous d'accord à la fin pour louer le triomphe de la malhonnêteté et nous reconnaître dans un personnage "auquel ses mauvaises actions portent bonheur et que la chance abandonne aussitôt qu'il veut s'amender." Sacha Guitry